Ce printemps 2022, parmi les belles rencontres qui ont jalonné la période de ma recherche d’un nouveau lieu de vie, j’ai eu la chance d’être accueillie à Sommevoire, tout au nord de la Haute-Marne !

C’est là que j’ai passé mon dernier week-end avant mon déménagement dans le département voisin, en Côte d’or.

Cette fois-ci, c’est Jean-Georges qui m’ouvre les portes de sa terre natale et me permet de nourir une de mes passions : tisser les liens entre trajectoires de vie et territoires ! 

Pendant deux jours, il m’a fait arpenter une zone de la Haute-Marne dont j’avais beaucoup entendu parler mais où je n’avais pas encore posé les pieds…

vue sur Lac du DerNous sommes autour du lac du Der

Ce lac artificiel est décrit par les locaux comme une mer intérieure.

J’ai pu ressentir cette sensation d’immensité en parcourant ses rives .

Il a été créé dans les années soixante-dix, en submergeant plusieurs villages pour réguler une partie des réserves en eau de la région parisienne.

Ce qui me surprend, c’est le côté sauvage de cet environnement : une faune et une flore spécifiques, tout comme ses constructions.

Des maisons, fermes et églises représentent des habitats ultra-typiques, à pans de bois, datant du XVI ième siècle. 

habitat à pans de bois

Cet ensemble forme une région très attractive avec de multiples aménagements touristiques qui se fondent plutôt bien dans cet espace.

Ces quelques jours sont aussi  l’occasion de découvrir le quotidien d’un exploitant agricole.

Cela n’aura pas échapper à ceux qui me connaissent un peu : même si je me familiarise progressivement avec le monde rural, la paysannerie est loin d’être mon univers !

Jean-Georges a su bousculer mes visions du monde paysan. Il faut dire qu’il en est un représentant pas forcément typique.

En tous les cas, on peut observer à la fois une rupture et une continuité entre sa vision et ses pratiques d’agriculteur par rapport à celles des générations qui l’ont précédé.

Parmi les cinq enfants de la famille, c’est lui qui a repris l’exploitation, à ses vignt ans.
Après des études supérieures en informatique effectuées à Paris, son choix s’est vite porté sur un retour à la nature. Il a alors passé un bac agricole pour pouvoir s’installer sur la ferme familiale. 

Tous les deux, on parcourt les parcelles de son exploitation où il cultive le blé, le tournesol, le maïs, l’orge et le colza en agriculture dite de conservation.

Traduction : il sème des graines en direct sans intervention mécanique. La structure du sol n’est donc pas modifiée, ce sont les vers de terre qui remplacent la charrue. 

Dans le même esprit, il m’explique l’importance de préserver ou de recréer des haies en bordure des champs cultivés. 

Elles sont idéales pour concevoir un corridor biologique qui va accueillir des espèces variés. Filtres à la pluie et au vent, les haies favorisent un micro climat bénéfique à la conduite des cultures et à la biodiversité.

Un œil sur le radar de pluie, un autre sur le cours des céréales, il m’expose les différences entre lui et son voisin installé “en bio” ainsi qu’avec les autres agriculteurs qui s’inscrivent, en majorité, dans la culture intensive.

ouvrage

Il me parle d’avoir l’âme d’un éleveur ou pas.

Lui, il estime qu’il ne la possède pas, mais son plus grand fils en a hérité. 

En effet, Arthur, sait presque instinctivement prendre soin des bêtes et y consacrer plusieurs heures par jour sans rechigner.

On va s’en apercevoir dans le chapitre suivant, Jean-Gorges est plus enclin à laisser les espèces évoluer au sein d’un écosystème où l’humain intervient peu.

Pis de vaches : un paradis personnel

Côtoyer deux paradis

Jean-Georges me prèsente d’abord le sien. Il consiste en quelques hectares de prés humides, au bout du village, qu’il ré-ensauvage en y créant des mares et en laissant la nature… tranquille. 

Le chant des oiseaux, dans ce périmètre, est délirant et pléthore d’autres petites et grandes bébêtes (grenouilles, insectes, cigognes noires ,… ) repeuplent les lieux.

Jean-Georges à Pis de Vache

Là, il est manifestement à son aise. Heureux, inspiré et apaisé par ce Vivant qui ne l’attend pas pour croître et se diversifier.

Comme si son écologie intérieure battait au même rythme que ces écosystèmes en friche.

Selon lui, si on n’est pas agriculteur de métier, on peut l’être par loisir ou par passion : on a des ruches, on s’occupe d’une récolte provenant d’un verger, on a quelques ânes, des poules, on prête la main à sa famille paysanne…

Sans doute, la raison pour laquelle, ici, on décline une invitation, en répondant : «Désolé,  je ne peux pas ; j’ai traite ( des vaches)” !

En tant que bénévole de l’association des compagnons de Saint-Pierre, il m’ouvre ensuite les portes d’un second « Paradis »

C’est le nom donné, par les ouvriers de la fonderie du Villa, aux bâtiments où sont entreposés les fonds ayant servi de modèles utilisés par l’usine de métallurgie d’art GHM.

Il s’agit des modèles en plâtre qui permettent la production de statues et d’ornements en fonte.

A Sommevoire, cette importante activité du Nord-est de la France, gloire de l’art industriel du XIX ième siècle, est représentée par l’usine locale fondée par Antoine Durenne.

Il se trouve que ce Paradis est voisin de sa maison, littéralement la porte d’à côté !

JG ouvre les portes du paradis

En effet, le village possède encore une usine qui a fabriqué, entre autres, les fontaines Wallace, des candélabres urbains, dont ceux éclairant les Champs-Elysées, les entrées du métro parisien et de multiples ornements plus ou moins massifs commandés pour des monuments à travers le monde.

L’atmosphère du lieu est magique et fascinante : on y côtoie pêle-mêle de multiples figures religieuses ou mythologiques et une ribambelle de personnages réels ou imaginaires.

modèles pour statue Paradis

Plusieurs fois, au fil de nos discussions, mes yeux s’arrondissent

Vue église Sommevoire

Comment ne pas réagir autrement devant la foultitude d’associations, d’activités et d’initiatives communales que Jean – Georges me décrit et dans lesquelles il s’implique ?

Je prends conscience une fois encore du potentiel de vitalité des campagnes  !

Ces habitants parviennent à puiser aux racines de ces profondes traditions tout en épousant la modernité, pour réinventer d’autres formes de faire et d’habiter ensemble.

Je ne suis pas moins étonnée quand il m’énumère des nouveaux arrivants, parisiens et marseillais notamment, accueillis à Sommevoire. 

Ces familles réussissent à s’intégrer en enrichissant la dynamique déjà en place.

Sans oublier la formation de quelques couples, dans son entourage, qui n’ont pas recours aux plateformes de rencontres alors qu’on est dans des milieux relativement isolés…

Un grand merci Jean-Georges pour ton accueil paysan qui prend soin du Vivant !

Homme de la terre, papa poule extraordinaire, multi-bénévole à ses heures…

Entre ses mains, c’est une valse étonnante :  les volants de ses tracteurs, le clavier de son ordinateur, un saxo ou des baguettes de batterie pour animer une fête du village ou une soirée entre amis…

LA campagne n’existe pas ! Par contre, les différents visages des campagnes si ! 

Et ils dessinent des lieux où on cultive la terre, d’autres formes de savoirs et d’équilibres possibles…

Des territoires fertiles où culture et monde ouvrier se conjuguent très naturellement avec agri-culture  !!

Au milieu de nul part

Quelques ressources pour aller plus loin :

Commune de Sommevoire

Entrez au paradis de la fonderie d’art

Plouc pride : un nouveau récit pour les campagnes de Valérie Jousseaume – Editions de l’Aube

Penser les territoires et la ruralité : podcast « Laisse Béton » épisode avec Damien Deville

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