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Un camion roulant et des livres
Pour rencontrer Laura et son bibliobus réaménagé, il faut s’élancer vers des destinations exotiques : Rosheim, Wissembourg, Andlau ou encore Monswiller, Rhinau, Marlenheim et… j’en passe !
C’est sur les marchés de ces villages du Bas-Rhin, autour de la capitale alsacienne, que Laura stationne son gros camion vert.
Sa vision à la sortie de l’adolescence ? Créer son univers en milieu rural, un lieu de vie rempli de livres et pourquoi pas de films où des gens pourraient se sentir bien.
A peine dix ans plus tard et quelques expériences au sein de grandes enseignes culturelles, elle se sent prête à concrétiser son rêve.
Elle lui donne la forme d’une librairie ambulante : » Mots de Passage « .
« L’envie première est de ramener le livre partout, là où il n’y a pas ou plus de librairie indépendante.
En ayant des livres pour tout âge, je vous propose de monter les quatre petites marches et de trouver ce que vous ne cherchez pas ».
Laura vit à Strasbourg depuis une dizaine d’années. Elle m’accueille dans la vaste maison et ses jolis extérieurs qu’elle occupe avec trois autres colocataires.
Après Inès, Laura est la deuxième libraire indépendante à qui je tends mon micro.
Ma façon de rendre hommage à celles et ceux qui prennent soin des récits et de partager des parcours de vie qui s’inscrivent dans leur territoire.
Aller simple vers la passion du livre vivant
A l’heure des choix d’orientation, Laura, à la fin du lycée, ne tergiverse pas : elle se formera pour travailler comme libraire.
Après son bac littéraire, elle prépare logiquement le diplôme « DUT métiers du livre », suivi d’une licence professionnelle en littérature jeunesse, à Nancy.
La lecture et l’écriture sont présentes depuis sa tendre enfance. Elles ont jalonné toutes les étapes de son parcours. Comme les personnes qu’elles rencontrent et affectionnent, nourrissant un amour des livres vivants et de leurs partages.
La découverte de l’illustration, des images associées à une histoire a été une révélation. Sous la forme de BD ou d’album jeunesse, ils permettent de mettre des mots et des idées entre les mains des plus jeunes. Selon l’expérience de Laura, un support efficace et souvent poétique pour évoquer avec les enfants des thématiques cruciales ou taboues.
D’ailleurs, elle n’envisage pas son métier de libraire ambulante sans aborder, à travers les ouvrages présentés, des sujets qui lui tiennent vraiment à cœur.
A ses yeux, l’important n’est pas forcément de proposer les dernières nouveautés dans sa librairie.
Laura précise que l’espace de son camion est limité, elle doit donc faire des choix particulièrement drastiques dans ses références.
L’écologie, le féminisme, les inégalités font partie de ses thématiques de société favorites.
Dans ses rayons, elle fait également de la place aux documentaires, jeux éducatifs et met en valeur les illustrateurs et maisons d’édition régionaux.
A bord de son antre mobile, elle éprouve beaucoup de joie devant les réactions enthousiastes et spontanées que les enfants ressentent à être entourés de livres.
Laura s’applique à faire de sa librairie un espace où les adultes et les plus jeunes peuvent prendre le temps de se poser, de discuter et de choisir leurs lectures tranquillement.
Dès qu’elle en a l’occasion, elle apprécie particulièrement proposer des lectures en utilisant le kamishibaï, procédé japonais, qui met à l’honneur l’image et l’illustration d’une histoire.
J’ai eu la chance d’assister à cette approche lorsque je l’ai revue, deux jours après notre entretien. Elle participait à un festival organisé par la Grenze, terrasses culturelles dans le quartier Gare de Strasbourg.
« Je ne me voyais pas libraire dans une boutique en ville »
Aussi clairement que Laura a décidé de devenir libraire, elle ne s’envisage pas dans un commerce urbain.
Dès lors, comment s’installer dans le rural et amener le livre dans les campagnes ?
Des recherches sur l’existant l’amènent à constater que les espaces de librairie indépendante ne se bousculent pas dans le paysage rural alsacien.
Laura prend alors contact avec Pascale, libraire nomade en Drome-Ardèche. Elle rencontre la créatrice du mokiroule et expérimente, à ses côtés, la réalité de ce métier hors-normes.
Le test en mode ambulant est convaincant ! En 2018, elle met alors en place tout le processus de création d’entreprise classique : accompagnement, étude de marché, crédit et comptable…
La particularité ? Dénicher un bibliobus et passer son permis poids lourd !
Un an après son démarrage, sa tournée est calée
Actuellement, Laura dessert une dizaine de
communes différentes par mois.
La difficulté qu’elle souligne, à son stade de développement, est de trouver le rythme qui lui convienne. Maintenir à un taux maximum le plaisir et l’énergie qu’elle déploie à réaliser son projet tout en se préservant du temps pour elle.
A travers ses mots de passage, Laura participe à faire battre le cœur des villages et contribue à la dynamique culturelle des territoires où elle s’établit chaque semaine.
Certainement la raison de son doux sourire et de ses yeux qui brillent alors qu’elle est au volant de son camion, dès six heures du matin, sillonnant les routes du Bas-Rhin chargée d’images et d’histoires à essaimer.
De quoi ne pas entamer sa motivation et supporter une charge de travail conséquente, et ce même quand son camion lui joue des tours mécaniques !
En savoir plus sur Laura et sa librairie ambulante :
En savoir plus sur les réalités d’un libraire ambulant :
Je recommande la lecture de cette rubrique du Mokiroule où Pascale a synthétisé des éléments pertinents et concrets sous forme de questions/réponses
