Cet été 2021,  j’ai poursuivi l’exploration en terres alternatives grâce à un Circuit des écolieux, d’une semaine, organisé par la Coopérative Oasis.

Une semaine pour découvrir de beaux endroits, des projets de vie et des collectifs qui osent faire le « pas de côté ».

Le triptyque incontournable et commun aux démarches alternatives se caractérise bien par la mise en connexion de ces trois éléments : un LIEU qui accueille des PROJETS tournés vers le respect du vivant portés par un GROUPE d’individus.

Une semaine pour voir de plus près ces laboratoires qui émergent dans nos territoires en visant un meilleur équilibre entre le vivant et l’humain.

Le programme est riche et dense, nous allons découvrir six lieux très différents, situés dans les département des Deux-Sèvres et en Charente, en établissant notre base dans deux d’entre eux.

Lundi 21 juin, j’ai rendez-vous avec les treize autres voyageurs qui prendront part à ce circuit.

Le temps de briser la glace et nous nous apercevons rapidement que, malgré nos différences d’âge, d’activités et de parcours, nous sommes tous animés de la même curiosité et du même désir de se frotter à d’autres possibles.

Notre immersion peut maintenant commencer… Je t’emmène ?

Visuel intro article

J.1 à la La Kambrousse !

 

groupe circuit des oasisPremier oasis où nous posons nos bagages pour trois nuits, 

La Kambrousse, anciennement Espace totem, désigne le lieu et le projet développés par Marc de la Ménardière, co-auteur du film “En quête de sens” et par sa compagne Malory Malmasson.

Depuis plus de trois ans, le couple a repris un domaine de 5 hectares adossé à la forêt de Secondigny dans le Poitevin.

La visite des lieux, les mini-chantiers autour du potager et du nettoyage de laine des alpagas, les moments d’échange avec Marc, sont autant de portes d’accès pour comprendre la philosophie, l’histoire et l’évolution de ce lieu.

Un écrin élégant et écologique façonné par un couple doué pour la communication médiatique, souvent identifié comme un des porte-parole de la philosophie des Oasis.

La vocation de la Kambrousse est d’offrir un lieu inspirant, esthétiquement raffiné, à destination de celles et ceux qui aspirent à l’alignement des différentes sphères de leur vie. 

“Un terreau qui accompagne le changement en permettant de réconcilier connaissance de soi et transition sociétale.

Un espace d’inspiration et de ressourcement pour ceux qui sont prêts à aller au devant d’eux-mêmes avant de vouloir faire changer les autres.

Soutenu par une équipe de bénévoles et de partenaires, le couple a d’abord mis en place l’accueil de particuliers ou de groupes à travers des stages qui abordent les sujets de l’écologie, l’éducation,  les loisirs, le travail, l’alimentation, la permaculture,  le zéro déchet, la santé ».

Autant de thématiques pour réfléchir et agir sur les dimensions des différentes (R)évolutions à opérer : intérieure, sociale et celle des habitudes.

Aujourd’hui, la Kambrousse s’ouvre à la location pour des sessions tant à destination de particuliers, que de collectifs, entreprises et organisations, tout en continuant de développer sa partie agricole et sa production de séjours et contenus en propre, notamment en lien avec le territoire.

J1 Osasis la Kambrousse                                 cour intérieur kambrousse

Pour le J.2, c’est deux salles, deux ambiances  !  

La Tour d’Auzay : un gîte labellisé « accueil paysan »

J2 tour AuzayIl est tenu par un couple à la retraite qui a fait des choix radicaux et dont le cheminement met le doigt sur la philosophie d’habiter et de rénover autrement.

En effet, Corinne et François ont acquis la Tour d’Auzay il y a presque dix ans et ont osé faire de leur rêve une réalité en rénovant peu à peu la vieille bâtisse pour en faire un trésor d’élégance éco-responsable.

Écologistes convaincus, toutes leurs décisions sont prises à l’aune de la minimisation de leur empreinte carbone, thermique, énergétique tout en respectant des savoir-faire et l’artisanat qui permettent de conserver ou créer le beau autour de soi.

Aujourd’hui, leur lieu accueille des groupes, des séminaires et personnes individuelles.

Ils soulignent l’importance de la gestion des déchets que nous émettons et expérimentent différents types de toilettes sèches et d’épuration !

 

bac à compost tour d'Auzay

Le second lieu, à quelques kilomètres de là, nous plonge au sein d’un vieux château investi depuis quatorze ans par une bande de copains. 

Tiers lieu la ColporteuseIls ont peu à peu structuré leurs interventions, créativité et énergie pour construire ce qui prend la forme aujourd’hui d’un tiers lieu et centre socio-culturel.

L’association la Colporteuse porte les activités et projets foisonnants qui naissent ici. Elle fonctionne sur la base de subventions et de mécénats privés. 

Treize personnes y sont salariés permanents.

Selon le degré de rénovation des parties du château, l’atmosphère est féerique,  de bric et de broc et l’ambiance résolument festive.

L’intention de la Colporteuse est d’accueillir à bras ouverts des gens qui souhaitent rêver les yeux grands ouverts !

À la fois fabrique culturelle, lieu de rencontre, de partage et de mutualisation.

Les projets fourmillent : chantiers participatifs, activités qui se font croiser des publics vulnérables, des enfants, des seniors…

Ici, revivent les légendes et vieux récits du château de Sanzay : à l’époque moyenâgeuse, il rayonnait par ses valeurs de convivialité et de partage…

L’équipe en place a réussi son pari de rallumer le feu de cette âme originelle avec un dynamisme, une gaieté et un sens de l’innovation exceptionnellement productifs et hautement contagieux !

       J2 Chateau de Sanzay

Le J.3 rime avec habitat partagé !

 

Nous avons passé l’après-midi aux Tisserands.

J3 Les tisserandsCe lieu est une autre illustration de la forme que peut prendre un oasis : un groupe de personnes (architectes, habitants, investisseurs ) structuré autour d’un projet de logements collectifs.

L’aventure des Tisserands nous est présentée par les deux architectes urbanistes missionnés pour accompagner le groupe d’habitants à réaliser leur projet.

Au départ, il y a une très grande maison en périphérie urbaine de La Rochelle avec plusieurs dépendances et des terrains à aménager, rénover et créer.

Plusieurs structures juridiques permettent de juxtaposer la partie habiter ensemble, tout en restant chacun propriétaire de son logement et la partie activités à développer sur le lieu.

Pour générer des revenus et favoriser les échanges avec l’extérieur, sont retenus : la création d’une épicerie locale, la location de salles de formations ou séminaires et un espace de coworking.

Les tisserands ce sont plus que douzecour intérieur les Tisserands logements pour chaque foyer avec ses espaces et ressources à mutualiser.

C’est une volonté de vivre sur un lieu, mêlant espace privé et commun, ouvert sur l’extérieur, en partageant des décisions et en souhaitant privilégier un relationnel de qualité à soi, à sa spiritualité (laïque), aux autres et à son environnement.

Cet élan partagé par un groupe est très puissant car il a permis de soulever des montagnes de contraintes financières et matérielles.

Bientôt, le premier foyer pourra s’installer sur les lieux et commencer la seconde étape de cette épopée.

En effet, après le difficile et long cheminement des décisions et actions pour lancer les chantiers et structurer les bases, il faudra expérimenter dans le concret le « vivre ensemble » !

Mon groupe et moi avons encore une fois  bénéficié d’un super accueil et avons reçu un formidable shoot d’énergie et d’utopies mises en acte !

Le soir nous avons rejoint notre second lieu de résidence.

             Ecolieu forge des Valoons

J.4 – J.5 : La forge des Vallons

Un autre oasis tout jeune mais tellement prometteur…

À notre arrivée, Mirabelle, une des fondatrices du lieu, et deux cochons nains nous accueillent.

Nous découvrirons ensuite les autres habitants : Célia, Nabil et son fils, les chatons, les moutons, les poules, la grande maison, la grange, l’atelier, le potager, les arbres fruitiers, la nature environnante.

Nous ne rencontrerons pas Bénédicte qui va rejoindre l’équipe prochainement.

vue derrière bâtisse la ForgeCeci est un véritable lieu de vie habité par des convictions, des valeurs et un alignement mis en acte au quotidien.

Il y a dix ans déjà que Mirabelle et un de ses proches voisins, depuis leurs appartements parisiens, avaient semé les premières graines de ce projet.

Celui de faire vivre un collectif où la prise de décision partagée permettrait de déployer des valeurs communes et un mode de vie différent.

En Août, 2020, c’est le passage à l’acte avec l’achat d’une grande maison et dépendances pour la somme de 200 000 €.

Une société qui est propriétaire du lieu est créée avec un fonctionnement de type coopérative.

Leur intention : réaliser un investissement qui rapporte socialement.

Les deux fondateurs veulent utiliser leur patrimoine financier pour (s’) offrir la vie qu’ils rêvent, dans un lieu sans discrimination sociale.

Une fois les gros travaux de rénovation réalisés, notamment à l’aide d’un prêt à la Coopérative Oasis, plus le lieu vivra, moins il sera coûteux et plus il générera des bénéfices.

Un business plan a été validé sur les dix ans à venir.

Le projet est d’aménager et rénover les bâtis pour en faire un lieu d’accueil de séjours intentionnels à participation libre et consciente et un lieu d’activités reliées à la création artistique et au soin.

Un groupe de quatre personnes vivent sur place moyennant un loyer de 150€/mois.

Ici les décisions sont prises par consentement.

On y invente la notion de bénévolat professionnel que Nabil définit ainsi :

« Je donne mon temps et argent à ce lieu et je reçois de la richesse humaine, sociale, un toit et des repas,… 

Un bénéfice autre que financier ».

L’équipe travaille à la bonne intégration de la Forge au sein du village et de son environnement.

Les armes fatales pour rendre concrète et possible cette utopie ?

💣 Utiliser des outils de facilitation deJ4 J5 Forge des Vallons prise de décision paratgée et de gouvernance

💣 Rester aligné avec les intentions de départ et remettre le sens du projet au centre pour chaque décision.

💣 Utiliser l’intelligence collective et élaborer ensemble.

⚖️ Trouver le juste équilibre entre le cadre posé à l’origine et la nécessaire souplesse pour le faire évoluer et s’adapter au fil du temps, des habitants et des bénévoles.

Le résumé de Célia à propos de ses premiers mois de vie à la Forge :

« Je ressens la même richesse que lors de mon Road trip effectué en Australie. 

Plus vivante et enrichie que jamais sans m’exporter dans une destination lointaine et en restant au même endroit tous les jours ».

roulottes forge🙏 Merci à la Forge de nous démontrer qu’il est possible de vivre en revisitant tous les concepts encodés autour de la propriété et de la richesse financière.

Inventer la vie qui nous ressemble n’est donc pas un rêve de bisounours.

Cela demande d’ouvrir la porte à un bon grain de folie, d’enthousiasme, d’audace et de détermination !

J.6 L’écohameau de Froidefon

Ce petit hameau est associé à un écocentre : historiquement, il s’agit du terrain d’une ferme agricole qui a accueilli un centre de formation à l’éco-construction.

maison écocentreTout commence en 2004, lors du départ à la retraite de Jocelyne, l’exploitante agricole qui ne souhaite pas laisser son terrain entre n’importe quelle main.

 En parallèle, les salariés de l’écocentre sont en recherche de logement et certains d’entre eux s’installent sur place dans les maisons écologiques construites pour servir de démonstration.

Ceci va donner naissance onze ans plus tard à cet écohameau.

Un des fondateurs et premiers habitants du lieu est un architecte formé en Belgique qui conçoit la construction comme un acte social et pas seulement esthétique ou fonctionnel.

Il y a quarante ans, Claude est passé pour un excentrique avec ses notions d’éco-construction.

Aujourd’hui, cette approche est prisée et s’établit comme un courant reconnu de l’architecture.

L’architecte et l’exploitante agricole s’unissent et deviennent le couple pionnier de ce projet.

Au début, Jocelyne et Claude choisissaient les autres habitants sur des critères subjectifs et cela a donné lieu à beaucoup d’erreurs et problématiques dans la vie de groupe 

Désormais, pour rejoindre le hameau et habiter une de ses maisons (déjà existante ou à construire), il y a une période d’essai de six mois à la suite de laquelle l’achat de part à la SCI peut s’opérer en fonction de l’habitation occupée.

Ensuite, il faut compter 450€/mois pour couvrir toutes les charges des parties communes et bénéficier des espaces communs.

Aujourd’hui le hameau compte 25 habitants répartis sur une dizaine d’habitations privées, totalisant 14 hectares et répondant aux critères de l’éco-construction.

À côté de l’espace privatif, il y a les espaces partagés portés par une association.

📌 les terres “agricoles” avec 150 arbres fruitiers, plusieurs potagers, serres et réserves d’eau.

📌 une buanderie avec plusieurs machines à laver, une voiture partagée

📌 un atelier de bricolage

📌 une grande salle d’activités

📌  Trois fois par an, s’organise une commande groupée de tous les habitants pour acheter, en circuit court, les produits d’hygiène, de nettoyage et produits secs.

L’association gère aussi un récent espace de coworking au sein de l’écocentre.

À part trois personnes, les habitants ont tous changé depuis le démarrage du projet.

Parmi les nouveaux venus, un ex-ingénieur dans le nucléaire, un ancien médecin coordinateur à Médecins du monde, deux kinés,…

Un certain nombre d’entre eux poursuivent leurs activités professionnelles à l’extérieur du village ou en télé-travail.

Les habitants estiment que l’équilibre du groupe est trouvé.

La crise sanitaire leur a permis de se concentrer sur leur lieu, leur cohésion et d’y développer des projets.

Cette visite m’enthousiasme particulièrement car la vie en éco-hameau me semble la modalité la plus adaptée à mes aspirations et envies : allier une indépendance et des activités partagées sur un lieu de vie !

visuel J6 Froidefon

Mes réflexions suite à ce circuit

S’immerger au sein d’expériences et de lieux si divers, en une aussi courte période, m’a énormément nourrie et remplie de joie.

Constater les nombreuses formes de vies alternatives existantes motive la poursuite de mes recherches pour trouver la modalité qui me convient.

fabrique à rêvesRencontrer des personnes qui, à des degrés divers, se fondent dans un collectif, fédèrent leurs forces, partagent leur quotidien et tentent de définir et faire vivre communément leurs valeurs est une belle source d’énergie.

Partager ces découvertes avec un groupe au sein duquel je me suis sentie épanouie, où la fluidité et la bienveillance ont pris place si naturellement a participé à rendre cette semaine intense et inoubliable.

Ce circuit m’a permis d’affiner mes réflexions générales, fruit de mes premières immersions datant de un an (cf. l’article écolieu été 2020).

J’y ai compris que, comme tant d’autres choses dans la vie, l’idée n’est pas de réussir son éco-lieu mais de cheminer et d’expérimenter notre relation à soi, aux autres et à son environnement.

Chacune de ces sphères interagissent les unes avec les autres, offrant l’opportunité d’évoluer, de changer son regard, d’assouplir ou parfois de rigidifier certains fonctionnements.

L’idée que créer la vie qui nous ressemble, à plusieurs, donne de la force, agrandit le champ des possibles tout en générant aussi des inconforts.

Cela demande de créer ou de revisiter d’autres modèles que ceux existants, d’oser faire un pas de côté.

Pour que ce type de projet puisse durer, l’envie et l’intention restent centrales, mais d’autres conditions viennent s’ajouter.

Des conditions matérielles par exemple : l’aspect financier avec un business modèle,  des conditions de facilitation avec l’application d’outils pour vivre et communiquer ensemble, l’apprentissage de savoirs spécifiques et techniques en lien avec le respect des écosystèmes.

Il m’est apparu également un savoir-être fondamental : celui de savoir accueillir le mouvement de la vie. 

Etre conscient que l’équilibre atteint est précaire, souvent à renégocier car celui-ci est souvent bousculé par des évènements intérieurs ou extérieurs, des changements, de nouveaux arrivants, des projets mourants et d’autres naissants.

Un autre challenge est de faire en sorte que le projet ne repose pas uniquement sur une personne ou le couple fondateur souvent à l’origine du projet.

Un ingrédient important pour relever ces défis : remettre sans cesse au centre les valeurs et le sens élaborés collectivement.

A l’époque incertaine que nous traversons, pleine de bouleversements et mutations, les écolieux me semblent révélateurs de nouvelles formes d’organisation, comme  des tentatives d’occuper les interstices de notre société globalisée qui montrent tellement de limites et si peu de cohérence avec les principes du vivant.

Ils sont le lieu de réinvention, de (r)évolution du rapport à soi, aux autres et à l’environnement.

Passer du « lutter contre » à « faire pour »

Pour moi, les écolieux représentent les espaces les plus pertinents pour créer des vies qui ont du sens avec les valeurs d’humanité, de solidarité et de durabilité qui me sont importantes.

Ceci me semble si compliqué à mettre en œuvre au sein du système « traditionnel ».

Évidemment, cela n’est pas simple non plus au sein des écolieux.

Un des obstacles fondamentaux réside dans les acrobaties administratives et juridiques pour rentrer dans des cases légales alors que l’on souhaite justement élargir les principes de propriété, de richesse, de valeurs, de biens communs.

Cependant, ces lieux alternatifs sontvisuel de conclusion autant de pages sur lesquelles écrire et inventer de nouveaux récits, des histoires enthousiasmantes pour réenchanter les futurs possibles.

Ils concrétisent cette volonté de déployer les ailes de nos projets les plus chargés de sens et de nos utopies les plus nécessaires et réalistes.

 

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